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David Solis

Des arbres à la cime inaccessible

 

Le franco-panaméen David Solis, installé depuis longtemps à Montpellier, reste avec sa peinture en lien évident avec ses attaches originelles, le Panama. Ses dernières toiles, exposées à Paris, à la Maison de l’Amérique latine au printemps dernier, montre la fascination de l’artiste pour les forêts de son continent d’origine. Forêts qu’il retranscrit dans des toiles qui sont davantage des constructions mentales que des représentations réalistes de paysages.

Histoire d’une peinture et d’un regard à la lisière de deux mondes

Chez David Solis, les arbres sont avant tout des signes de verticalité qui portent vers le haut. Des lignes quasiment abstraites, parallèles, qui s’élèvent vers des sommets finalement moins intéressants que les troncs eux-mêmes: bien souvent, les troncs prennent les neuf-dixièmes du tableau et les branches, feuilles, cimes se serrent tout en haut, comme un détail finalement peu important du point de vue de l’homme. Parfois, mais parfois seulement, un bout de ciel bleu achève la toile dans la partie supérieure. Parfois au contraire, les cimes sont tronquées et on reste plongé dans la forêt sans pouvoir en sortir.

La représentation peut être encore plus troublante: si l’on regarde par exemple la grande toile (150 x 150 cm), intitulée Temporada Seca (2016), les neuf dixièmes de la toile sont effectivement constitués de troncs verticaux, parallèles, qui s’élèvent tous sagement vers le ciel. Mais ces arbres sont avant tout blancs, des lignes quasi-abstraites et neutres, le travail du peintre étant davantage concentré sur les interstices où on imagine des feuilles, des lianes et toute une vie qui est là sans pouvoir être détaillée.

Alors que faut-il regarder: le tronc ou la cime? Les troncs ou la profondeur de la forêt qui apparaît entre chacun d’entre eux? La représentation d’un monde réel ou l’ouverture vers un monde fantasmé?

“La forêt est un thème récurrent chez moi depuis des années. Je ne peins pas le Panama, je peins ici, dans mon atelier, au centre de Montpellier, des réminiscences de forêt, des images que je peux avoir en tête, qui sont rien des images mentales et sensorielles”, explique simplement l’artiste, devant ses huiles ou ses pastels, les deux techniques qu’il affectionne le plus.

De fait, la forêt vue par David Solis ne permet pas de donner un coup de projecteur sur telle ou telle espèce végétale, voire animale. “Des animaux? J’en ai représentés mais ils ont disparu depuis longtemps!”. Disparus de sa peinture ou disparus tout court? Une phrase dont l’ambiguïté est évidemment porteuse de sens.

Et quand il se risque encore à peindre des éléments du règne animal, ils ne sont pas aussi vivants ou luxuriants que ses forêts. Comme en témoigne cette masse de poissons, les uns sur les autres, à moitié décolorés de la grande toile intitulée N’Dar (2009). “A mon avis,  ils ne sont pas très vivants”, dit le peintre qui regarde maintenant d’un oeil distant et ironique sa propre toile.

“Cette toile, je l’ai peinte après un voyage au Sénégal qui m’avait marqué. D’un côté, une abondance de poissons dans les retours de pêche, voire une sur-abondance car tous ne finiraient certainement pas dans les assiettes, de l’autre, des gens qui avaient clairement faim”.

David Solis s’aventure parfois en dehors de la forêt. Il aime notamment à représenter des paysages où l’eau est très présente, tout en gardant ses cadrages et points de vue déroutants: dans Tiempo immobil, le bleu clair de l’eau emplit la toile comme le faisaient les arbres. En haut, dans une toute petite bande apparaissent quelques maisons, un ciel, quelques nuages.
On se dit qu’il s’agit là d’une vision évidente pour un habitant d’un pays coupé en deux par un gigantesque canal qui relie deux océans: de l’eau, de l’eau, de l’eau, que l’on regarde à l’est, à l’ouest ou au beau milieu du territoire. Et de fait, David Solis se souvient de l’appartement de son enfance, dans la ville de Panama, dans un appartement avec un balcon donnant au loin sur l’océan Pacifique, avec les navire en attente pour traverser le canal.

Mais il s’agit là encore d’une vision reconstruite dans son atelier montpelliérain, sans photo ni documentation précise. L’oeuvre ne porte aucune indication géographique précise.

Une chose est sûre: quand il choisit un thème, la forêt ou l’eau, l’artiste s’immerge dedans au point que le sujet principal envahit la quasi-totalité de la toile. Et tout comme la forêt était composée de barres blanches qui permettaient de voir une abstraction, la mer n’est qu’une surface fragile recouverte de bleu, mais qui laisse imaginer tout un monde immergé.

Au printemps dernier, l’artiste a présenté son travail dans un lieu évident pour un artiste d’Amérique centrale vivant en France: la maison de l’Amérique latine à Paris. “C’est la suite d’une exposition organisée il y a trois ans au musée d’art contemporain de Panama. L’ambassade de Panama en France m’a alors proposé de la présenter à Paris, dans une version amplifiée, soit une sélection d’une soixantaine de pièces de techniques et formats variés (2008-2018)”.

L’artiste, qui vit et travaille à Montpellier, a donc eu les honneurs de la Maison de l’Amérique latine à Paris. L’exposition s’appelait sobrement Lisières.

Cet artiste qui vit entre deux mondes aime à représenter ces espaces où finit un univers et où en commence un autre, à peine visible mais plein de toutes nos attentes.

BIO

David Solis est né en 1953 au Panama. Il étudie aux Beaux-Arts au Panama et obtient une bourse pour poursuivre aux Beaux-Arts à Marseille. Il s’installera ensuite à Montpellier où il vit et travaille aujourd’hui, tout en retournant régulièrement au Panama où il expose régulièrement.

VERBATIM

“Deux océans, deux hémisphères, le ciel et la terre, la forêt et l’eau, le paysage et l’esprit: les tableaux de David Solis disent tous l’inextricable du monde et nous fascinent comme au premier jour”.
Alain Rouquié
Extrait du catalogue Lisières, David Solis, publié par la Maison de l’Amérique latine, 2019.



 

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