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Olivier Giner

Des dessins d’une simplicité trompeuse

Autodidacte, le toulousain Olivier Giner dessine des choses apparemment simples, le plus souvent des animaux ou des chimères. Mais il essaie dans chaque dessin, bande dessinée, conte, d’amener celui qui regarde à aller plus loin.

On pourrait penser aux Shadocks, à Alice au pays des Merveilles, aux Simpson: bref, à tous ces univers que les enfants apprécient, mais que les adultes savent lire d’une autre manière. On peut aussi évoquer des créations plus clairement adultes, qui appartiennent à des choses plus expérimentales, comme le film Eraser Head de David Lynch ou, en littérature les oeuvres de Lautréamont.

Bref, le travail d’Olivier Giner se prête à plusieurs lectures… à condition de prendre le temps, car l’auteur ne fait aucune concession pour faciliter l’entrée dans son monde.

Au départ, un oiseau. Et puis d’autres animaux, des singes, des tortues, des chiens et puis des animaux qui prennent la tangente et deviennent des chimères.

Tout cela dessinés avant tout à l’aquarelle ou aux encres de Chine, plus rarement à l’acrylique. Mais une aquarelle chargée de pigments, donnant des tons plus soutenus que la plupart des oeuvres réalisées avec cette technique.
L’ensemble baigne souvent dans un univers qui ramène de manière évidente à l’enfance, mais qui parfois prend des chemins de traverse. L’artiste n’a en fait réalisé que quelques créations directement à l’intention des enfants: trois contes, une petite bande dessinée, quelques aquarelles, et des toiles de petit format.

Le reste renvoie à des choses plus complexes.

Reprenons les oiseaux ou les chats par exemple: “Il y a toujours une dualité, une symbolique. Un chat mi ange-mi démon. Je ne pouvais pas juste faire un chat ailé, il fallait une dualité, une schizophrénie”.
La recherche est également dans le dessin: “J’ai cherché avant de trouver la pose du chat que je souhaitais. Je voulais qu’on puisse le regarder de deux manières. D’où ses pattes arrières qui peuvent être à l’avant. Il se tient à l’arrière avec les pattes avant, et inversement. Il y a deux façons de voir sa posture. Rien n’est jamais aussi simple qu’il n’y paraît”.

Pour l’artiste, autodidacte revendiqué, un dessin peut partir d’une volonté simple de représenter un oiseau par exemple, un des animaux les plus présents sur ses pages, symbole simple et accessible à tous d’une recherche de liberté. Dans un cas au moins, le dessin a amené l’artiste sur des terres non prévues, le petit conte intitulé Le Chien rouge. ‘Je voulais un style rapide et stylisé, épuré, avec un minimum de couleurs et de nuances.

J’avais le thème de cette histoire depuis un moment, le dessin n’a été que le déclencheur. Le chien rouge représente l’excuse de ceux berçant dans la facilité, se trouvant des excuses pour leur échecs ou leur choix, rapportant la faute aux autres”.

L’artiste savait ce qu’il voulait dire, et l’exprime dans une histoire aux tonalités surréalistes, où il est question, dans les textes, d’un narval qui fume de la drogue, d’une chèvre de Damas shootée au rhum… et d’autres phrases nettement plus déjantées que le dessin qui, lui, reste sage et enfantin. Un décalage qui fait irrésistiblement penser aux Shadocks, avec leurs formes simples (cercle, triangle), mais leur discours à la fois absurde et quasi-philosophique.

Inversement, Olivier Giner a également produit plusieurs bandes dessinées dont certaines sans paroles. Dans Tribulations, par exemple, impossible de résumer les pages, même si le “récit” comporte un début, un milieu, une fin.

Au premier abord, des végétaux qui s’agitent comme des humains, des excroissances indéfinissables, parfois un ou deux visages, des yeux. A une première lecture, on passe d’un dessin à l’autre de manière fluide, sans trop savoir néanmoins ce que l’auteur cherche véritablement à exprimer.

Et puis, on y revient…

“Je suis bien conscient que cette histoire n’est pas évidente, mais j’aime l’idée que le lecteur va s’investir, prendre son temps, découvrir les lignes directrices par lui-même. L’histoire fait sens si l’on prend son temps pour regarder”, poursuit l’auteur. “Le problème, c’est que les gens veulent de l’original, mais que quand ils en ont vraiment, ils perdent pied et lâchent directement, pas habitués et frustrés”.

“Tout dans Tribulations est question de symbolisme. C’est l’histoire d’une connexion d’un avatar à internet. Internet n’est pas un lieu clair et droit, propre et structuré, et j’essaie d’en parler en passant par des biais simples: le combat du maïs contre les boites représente le combat sur le net des misogynes et des misandres, des machos contre les féministes, et plus encore. Le maïs peut symboliser le phallus, la verge en érection, la boite symbolise le vagin, le coffre secret, les arbres pénis/vagins représentent les voyeurs, les pervers du net (webcam & co), hommes comme femmes, etc. Mais il ne s’agit là que de proposition. Au lecteur d’aller aussi loin ou pas. En même temps, ce n’est pas si compliqué. Tous ces symboles sont vieux comme le monde.

Mais tout n’est pas si noir: le héros finira par trouver sa voie et se déconnecter (d’où le « Déconnexion » final), la morale, si il devait y en avoir une, c’est:  éteint tout, débranche, déconnectes et sors, redeviens celui que tu étais”.

Bref, beaucoup de choses… qui peuvent échapper au lecteur, car comme le dit l’auteur, sans concession aucune pour qu’on entre dans cette histoire: “Si tu ne vois pas la blanchisseuse comme écrit dans l’avant-propos, ‘au fond du couloir de la porte rouge, page 5’, c’est hélas inutile de continuer Tribulations”.

Point commun entre tous ces univers: une loufoquerie évidente, mais qui n’est pas dénuée de gravité. Comme dans un film qu’Olivier Giner apprécie, Eraser Head de David Lynch, que l’auteur décrivait comme une “sorte de poème en style libre”: on se laisse porter par un flux d’images avant que n’émerge, in fine, une histoire, le récit d’un homme captif de son quotidien sans issue qui cherche vainement à s’en échapper dans le rêve.

Evidemment, Olivier Giner prend le risque que le lecteur reste à la surface des choses. Mais en alternant les dessins simples, qui se regardent sans qu’on ait envie de se poser davantage de questions, et les oeuvres plus complexes, Olivier Giner finit par créer un univers un peu à part, sagement déjanté.

Bio express

Olivier Giner, originaire de Launaguet, diplômé en audiovisuel, réside maintenant à Toulouse et préside depuis quelques mois l’association “La Garonne expose”, association créée à l’initiative d’étudiants des Beaux-Arts de Toulouse et qui fédère les artistes souhaitant exposer le dimanche sur les quais de la Garonne.

http://www.inkblood.net/
https://www.la-garonne-expose.com/
Lien de Tribulations : http://www.inkblood.net/b-d-tribulations-olivier-giner/

 

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