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José-Xavier Polet

L’impossible synthèse des artistes qui l’ont précédé

Les toiles de José-Xavier Polet peuvent a priori se décrire en quelques mots: des motifs simples et récurrents (la ligne, le cercle, les traces du pinceau), un fonds qui reste blanc, des couleurs souvent primaires et peu de matière. Dans un premier temps, on peut voir le travail d’un coloriste qui privilégie les couleurs, mais les masses de couleurs servent la plupart du temps de fond à des traits beaucoup plus nets et affirmés. La couleur, le trait… Match nul.

Parfois, quelques encres donnent un peu plus de nuances à la peinture et parfois également, l’artiste ajoute quelques collages qui se superposent aux couleurs déjà appliquées sur la toile pour les masquer en partie.

Bref, une peinture qui se donne à voir pour ce qu’elle a été au moment de sa réalisation: des coups de pinceaux sur une surface blanche. Comme l’ensemble n’est guère surchargé et comme les couleurs ont l’harmonie des trois couleurs primaires, les toiles sont gaies et agréables au premier coup d’oeil.

Une fois que l’on a dit cela, il faut creuser un peu plus pour savoir ce que l’artiste avait en tête en réalisant toutes ces oeuvres.

Et il faut bien dire que le travail de l’artiste se définit peut-être en partie par quelques données biographiques:
L’artiste est né dans un pays de mine. Il en connaît toute la dureté et l’irrationnel. Son père est ingénieur de sécurité dans les charbonnages et le monde de la mine marquera l’enfance de l’artiste. Il a huit ans quand survient la catastrophe dans la mine de Marcinelles (250 morts). “Mon père m’a emmené là où les mineurs attachaient leurs vêtements au plafond. Il m’a juste dit: ‘Ceux-là ne reviendront pas’”.
La vie a un côté brutal, irrationnel, imprévu, des qualificatifs qui marqueront à jamais le travail de l’artiste.
Deuxième donnée importante: l’artiste est belge. Belge d’un pays où l’on est vite écartelé entre plusieurs cultures. José-Xavier Polet ne fait pas exception: ce natif du Limbourg fait son primaire et ses années de collège dans des écoles françaises avant de faire le secondaire en flamand puis de rejoindre un cursus francophone à l’université de Bruxelles.
Bref, il est belge, du pays de Magritte, de Michaux, de François Damiens ou de Philippe Geluck.

Des références qui ont du sens quand on sait que José-Xavier Polet a très tôt vu la Belgique comme un pays où règne un joyeux non-sens : dès la fin de ses études, il publie un livre sur la Belgique, L’autre Belgique, prenant pour thème… la contre-culture. “J’ai fait ce livre avec un ami. Mon éditeur a coulé, et moi, j’ai changé de voie!”.

Dès cette époque, l’artiste peignait mais, avoue-t-il lui-même bien volontiers, “sans grande conviction”.

Acte III: une vie professionnelle en grande partie réalisée dans le secteur privé en Afrique.

Il y a vécu une vie mouvementée mais s’est aussi imprégné d’une culture qui l’a mené ensuite vers une recherche de simplicité dans son expression plastique, tout en affirmant la force des couleurs.
Et puis il retient de l’Afrique autre chose: le dénuement, la pauvreté. “Quand on est pauvre, on doit aller droit au but, et quand on est Africain au XXème siècle, on sait qu’on peut sauter des étapes, passer directement du tambour au téléphone filaire sans passer par le téléphone fixe. Il faut avancer, brûler des étapes, rester souriant, y croire”.

Enfin, il complète ce parcours par une bonne connaissance du continent asiatique et de la peinture chinoise. L’épure, le plein, le vide viennent compléter les éléments que l’on retrouvera dans le travail de l’artiste.

Et voilà comment peu à peu se dessine un univers : une spontanéité et un côté “borderline” du travail: une volontaire économie de moyens, une oeuvre qui se donne pour ce qu’elle est, sans fard ni apprêt, de l’épure mais des couleurs vives, de la peinture mais qui flirte avec l’écriture, la primauté des couleurs qui rivalise avec la force de la ligne, ou, pour le dire autrement, des tâches aléatoires, contredites par des traits affirmés. Bref, un travail qu’il aime à qualifier de “syncrétisme éclectique”.

“Aujourd’hui que je suis retraité, je peins plus sérieusement, c’est-à-dire que je sais ce que je peins. Cela ne veut pas dire que je passe beaucoup de temps devant la toile. Au contraire, je passe très peu de temps à chacune de mes oeuvres. En revanche, penser à mon travail, à ce que je compte mettre sur la toile, ça, c’est toute ma vie”.

Art et sciences

Aujourd’hui, l’artiste poursuit son travail par l’écriture. Il publie un livre sur sa vie, et sur les liens entre l’art et la sciences, près de vingt ans après avoir créé la société Art et Science qui se donnait déjà pour but de rassembler artistes et scientifiques. “D’évidence, écrivait alors l’artiste, une fracture considérable sépare la pratique des plasticiens, le discours critique qui l’entoure et les avancées  constantes des neurosciences. Chacun, dans son domaine de prédilection, se comporte comme s’il s’agissait de camps retranchés  où chaque protagoniste se doit d’ignorer froidement ce qui se passe chez l’autre”.

Pour que tout cela ne plonge pas dans un sérieux irrémédiable et stérilisant, il poursuit quinze ans après avec quelque chose de plus léger, un Front populaire de Libération du Cerveau.

L’approche ludique fait alors penser à Salvador Dali: lui aussi fasciné par les sciences, il se targuait d’avoir inventé dans la peinture la méthode “paranoiaque-critique”. Pourquoi pas, même si ses oeuvres peuvent se voir et s’apprécier sans avoir recours à des concepts un peu confus.
Après l’approche burlesque avec ce Front Populaire, l’artiste en revient à quelque chose de plus rationnel, en essayant de lier les apports des sciences cognitives et son travail de plasticien.

“J’opère une  synthèse décalée, un genre de postsynchronisation entre les formes vibrantes du spiritualisme de Kandinsky,  son art centré sur le potentiel de la ligne et du point et la rigueur géométrique de Mondrian. Je considère mon travail comme posté à la charnière entre abstractions lyriques et géométriques.  Sans  oublier  la  dimension  ‘mondialiste’  intégrant  les  influx  de  l’Asie  et  la  modernité  rationnelle  du  monde  des sciences”.

Le discours est finalement plus simple et compréhensible que ne pouvaient le laisser penser les différents titres de ses écrits ou associations.
Il renvoie clairement à la fois à sa peinture et à son parcours de vie.

Bio express

José-Xavier Polet est né en 1948 au Limbourg belge, dans un pays marqué par les charbonnages. Il fait une scolarité en partie en milieu francophone et en partie en milieu flamand, avant de poursuivre par des études de journalisme à Bruxelles. Il fera ensuite carrière en enchaînant des métiers variés en Europe puis en Afrique.
Depuis une vingtaine d’années, il vit et travaille à Alès, encore un bassin minier.

Edition

Arts et sciences, un mariage contre nature aux Editions Muse, 92 pages, nombreuses illustrations, février 2019, ISBN 978-620-2-29334-1

Les éditions Muse proposent un périple dans le monde de l’imaginaire: il s’agit de suivre  José-Xavier Polet, dans ses réflexions sur la trilogie cognitive, qui relie la raison, l’intuition et les sens.

Site web de l’artiste

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