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Nicole Pfund – Aveyron

Les toiles de Nicole Pfund donnent d’abord l’impression de tableaux anciens, dont les couleurs se seraient adoucies. Les scènes sont intemporelles. Et puis, quelques détails de ci de-là montrent que cet univers à la marge du conte est aussi très contemporain.

Dans l’Aveyron, au beau milieu de la nature, loin de tout bruit d’activités humaines, l’artiste suisse Nicole Pfund peint. Au moins quatre ou cinq heures par jour depuis 1984, date de son installation dans la région.

Beaucoup d’artistes partent d’une peinture figurative pour aller vers des choses de plus en plus abstraites. Nicole Pfund a fait le chemin inverse : il aura fallu des années de peinture abstraite avant que n’apparaissent le personnage que l’on retrouve dans de très nombreux tableaux, seul ou en groupe : mi-homme, mi-animal, plongé dans un univers humain. Le décor est réduit, mais quand même : des murs penchés, des chaises, des fauteuils, des instruments de musique, des ballons… Tout cela suggère plus l’humain que l’animal.

Il attend, réfléchit, montre son nez. Parfois il joue de la musique, mais bien souvent, dans cette série de musiciens, pose avec son instrument qu’il tient sans en jouer. Les instruments sont là mais c’est le silence qui domine.

La scène pourrait être une interrogation grave, traduite dans la légèreté, voir ironique par un ou des éléments apportant le sens de l’intention.

L’artiste travaille la peinture à l’huile en glacis, selon la technique du sfumato de Leonard de Vinci (« je n’ai appris qu’assez tard que cette technique s’appelait comme cela et était celle de Vinci ! »). Chaque toile compte une dizaine de couches fines, appliquées au couteau.

Cette technique permet de fondre les éléments du décor et suggérer des lumières douces permettant le rêve

L’ambiance est donc là, Nicole Pfund va ensuite l’utiliser pour poser les détails. C’est particulièrement net dans une de ses dernières séries, les Tagada, du nom du bonbon rose et acidulé que se disputent la plupart des enfants.

« Cela vient d’une demande qui n’a rien à voir avec les bonbons. Il y a deux ans, on me propose de participer à une exposition sur le thème : la machine et l’outil : pas évident !  Mais sur la route des expositions, j’aime les fraises tagadas et l’idée est venue : faire une machine à fabriquer des tagadas  ».

«J’ai commencé avec la peinture abstraite, depuis 15 ans, ce personnage est apparu, prétexte à raconter nos émotions. Depuis peu, il disparaît en laissant ses chaussures ou son instrument, sa présence ne semble jamais lointaine».

L’anecdote et le thème font qu’on pourrait imaginer une toile très colorée, penchant vers la bande dessinée. Le résultat est au contraire fidèle à l’œuvre de Nicole Pfund : un intérieur gris-beige, intemporel, et en bas à gauche de l’immense toile, une caisse en bois, des manivelles, qui pourraient être la machine… Quelques taches de rose, cela fonctionne : il y a bien quelques tagadas… observés par deux oiseaux discrètement posés sur un fil

« Et puis une idée en a amené une autre… Ces tagadas ressemblaient au nez de mes personnages… ». Et quand la créature pointe le bout de son nez, on pourrait tout aussi bien dire qu’il pointe sa fraise… En littérature, un Bobby Lapointe était passé maître dans l’art d’enchaîner les mots en fonction de leur sonorité autant que de leur sens. Nicole Pfund procède parfois du même esprit, mais avec ses couleurs.
Jeux de mots, jeux de pinceaux…D’ailleurs, la peinture n’est pas sa vocation première : « Au départ, je voulais faire de la musique, mais j’ai sans doute été rattrapée par une passion familiale. Mon grand-père et mon père étaient peintres. J’ai fini par suivre leur voie … ».

Nicole Pfund a donc utilisé les couleurs pour s’exprimer. Mais la musique n’est jamais loin : constamment présente dans l’atelier, dans les tableaux, aussi. Et quand elle sort dessiner en extérieur, ce sont bien sûr les oiseaux qui l’attirent, des oiseaux cette fois-ci représentés dans une technique légère, rapide, à l’encre de Chine et au brou de noix, et qui, pendant qu’elles les dessinent, chantent pour elle, dans cette campagne loin de tout.

A.D.

Site web de l’artiste

Un travail engagé

A côté de son univers onirique, Nicole Pfund travaille depuis une quinzaine d’années en Palestine, où elle organise des ateliers d’arts plastiques à Naplouse, Hébron et Gaza pour un partage des cultures

Elle a organisé une exposition présentée à Moissac, Toulouse, Gaza, Bethléem, Ramallah, Amman en Jordanie et Paris avec ses amis, artistes jordaniens, palestiniens et français en partenariat avec le Consulat de France de Jérusalem,

« Avec l’Université des Beaux-Arts de Naplouse et l’université de Ramallah, nous avons fait un album illustré, les étudiants en français de Ramallah ont rédigé 18 histoires, que les étudiants de Naplouse ont illustrées ».

Aujourd’hui, Nicole Pfund souhaite inviter en France le professeur des Beaux-Arts de Naplouse, Ahmad, en Europe, pour qui « pouvoir travailler avec des artistes français et visiter ensemble des musées seraient des moments formidables »
A la demande d’écrivains palestinien et africain, elle a réalisé des œuvres spécifiquement pour illustrer la couverture de livres. L’une de ces œuvres, réalisée il y a quelques années, prend une résonnance particulière aujourd’hui.

 

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